Le Puits des Memoires: Tome 2 : le Fils de la Lune by Gabriel Katz

Auteur:Gabriel Katz [Katz, Gabriel]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Fantasy et Terreur, Fantastique et Terreur, Science-Fiction
ISBN: 9782919755929
Éditeur: SCRINEO EDITIONS
Publié: 0101-01-01T00:00:00+00:00

28

Pendant quelques minutes, on n’entendit que le martèlement des sabots dans la neige. Puis ce fut le son du cor, comme une longue plainte, et les aboiements de la meute. Les branches, cassantes sous le givre, craquaient dans un bruit de verre.

Le grand cerf blanc, l’écume aux narines, courait aveuglément. Sur ses flancs, il entendait les sifflets des rabatteurs, qui frappaient contre les arbres avec leurs grands bâtons. Derrière lui, c’était la meute ; les chiens, puis les cavaliers, brandissant leurs épieux. Deux fois déjà, les lames l’avaient frappé au côté, faisant ruisseler le sang sur sa robe couleur de neige. Il s’était défendu, bravement, repoussant les chevaux de ses bois immenses. Il avait encorné un chien, piétiné un autre, il ne voulait pas mourir. Mais c’était déjà la lisière de la forêt, dans quelques secondes, il n’aurait plus d’abri.

Le cerf déboucha sur un plateau couvert de neige. Au bout, il n’y avait plus rien, rien que des rochers s’ouvrant sur le vide. Dans le froid glacial de cette matinée d’hiver, la vallée était cachée au regard par un tapis de nuages.

L’animal fit face, dos au vide, avec un brâme de désespoir.

– Il est là !

Les chiens jaillirent de la forêt, encerclant leur proie, aboyant à s’en faire exploser les poumons. Mais ils n’attaquèrent pas. Même eux savaient que la bête appartenait à leur maître.

Le roi de Woltan fut le premier à déboucher sur le plateau, suivi de près par la douzaine de cavaliers qui composaient la chasse royale. C’était le plus beau gibier du royaume : Irenia, princesse d’Oster, Hel Hjorn, prince du Gundland, Klars, prince d’Edholm, sans compter les enfants royaux, les chefs de guerre et les sages encore assez verts pour tenir en selle. Un mort, un seul, pouvait ébranler le royaume. Mais le cerf n’était pas un lion des montagnes. Le seul qui risquait la mort, c’était lui.

Oderic Ier sauta à bas de son cheval et saisit l’épieu clouté qui pendait à sa selle. C’était le sien, celui que son père lui avait offert le jour de sa première chasse. Une arme brute et sans fioriture, comme lui. Il marcha vers le cerf blanc, assurant sa prise sur le manche clouté. Il savait où frapper pour atteindre le cœur et la bête, blessée, était à bout de forces. Mais il savait aussi que le cerf blanc, gibier rare dont seul le roi avait le droit de chasse, était capable d’un dernier assaut lorsqu’il était au bord du gouffre. Le roi Harald III en avait jadis été la victime : un cerf aux abois lui avait brisé les os.

Au coup de sifflet du grand veneur, les chiens s’étaient tus, on n’entendait plus que le vent, et la lourde respiration du grand cerf.

Dans son habit de chasse en cuir brut, le souverain du plus grand royaume du monde aurait pu passer pour un paysan. Son visage buriné était couturé de cicatrices, souvenir d’un accident de cheval qui l’avait presque tué enfant. Sa barbe noire et grise poussait entre les cicatrices, comme une broussaille sur une terre volcanique.

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